Crise alimentaire : comment la spéculation a amplifié la flambée des prix

Hutchinson, Kansas, USA-Large Cargill grain elevator

Foodwatch et le CCFD-Terre solidaire ont analysé les données publiques du marché à terme du blé de Paris depuis début 2020 et constaté qu’en période de crise, les acteurs financiers y prennent une part disproportionnée.

C’est un des impensés de la réponse politique à la crise alimentaire mondiale et à l’inflation. Au moment où la planète connaît une nouvelle hausse de la faim depuis la pandémie de Covid-19, aggravée par la guerre en Ukraine, et une précarité alimentaire grandissante, la responsabilité des spéculateurs – souvent absente des débats – est de nouveau questionnée. Le rôle des activités spéculatives sur les cours mondiaux alimentaires avait été mis en évidence lors des émeutes de la faim de 2007-2008 en Afrique et en Asie. Mais depuis, les mesures de régulation ont été insuffisantes.

Dans une analyse conjointe publiée mardi 13 juin, les ONG CCFD-Terre solidaire et Foodwatch dénoncent la « financiarisation des marchés des matières premières agricoles ». « Comme en 2008 et en 2011, les crises alimentaires demeurent une opportunité de réaliser d’importants profits pour certains acteurs », écrivent-elles, dénonçant « un manque de transparence considérable », des données « largement insuffisantes » et « des indicateurs trop imprécis pour identifier l’ensemble des acteurs impliqués ».

Les deux associations ont travaillé à partir des données publiques hebdomadaires sur le marché à terme du blé Euronext basé à Paris, le cours Matif (pour « marché à terme international de France ») du blé, en analysant l’évolution de la place des différents acteurs de janvier 2020 à septembre 2022. « On s’est concentrés sur cette période marquée par la pandémie et la guerre en Ukraine, parce que c’est en temps de crise qu’un marché attire les acteurs financiers et les spéculateurs », précise Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer au CCFD-Terre solidaire.

Une vocation d’assurance-prix
Au début de la période étudiée, début 2020, les acteurs commerciaux, c’est-à-dire les vendeurs et acheteurs physiques de blé, occupaient environ trois quarts des positions du marché ; fin septembre 2022, ils n’en occupaient qu’un peu plus de la moitié, cédant du terrain aux acteurs financiers (fonds d’investissement, établissements de crédit, entreprises d’assurance, fonds de placement collectif…). « Si l’on regarde juste les achats, l’écart se creuse davantage, poursuit Lorine Azoulai.

lemonde

You may like