Entretien exclusif avec Mustafa Rawji, Directeur Général de la Rawbank (RDC)

2022 marque la vingtième année d’activité de Rawbank, banque de référence de la RDC, dans le top 30 des banques africaines à fort impact régional. Sur l’exercice, 200, la banque réalise un total bilan de 4,14 milliards de dollars. Les encours crédits s’établisssent à 1,3 milliard de dollars (+39% par rapport à l’année précédente). Dans cet entretien, Pour Mustafa Rawji, Directeur Général, revient sur les ambitions d’une institution attendue sur la scène régionale.

Tout d’abord, pouvez-vous revenir sur l’histoire de Rawbank et le choix de son nom ?

Tout a commencé quand ma famille s’est installée en 1992 en RDC. Cette période est marquée par le début de la transition marquée par la fin de la guerre civile et l’ouverture du pays à de nouvelles opportunités économiques. Déterminés à contribuer au développement de l’économie congolaise, ma famille a investi dans plusieurs secteurs d’activités d’abord, avant de décider d’investir dans le secteur bancaire en fondant Rawbank en 2002.

C’est ainsi que la banque est née avec l’ambition de construire un Congo grand et fort. Depuis vingt ans, Rawbank s’engage pour fournir des services financiers accessibles et innovants à tous les segments de la société congolaise, en mettant l’accent sur l’inclusion financière et le soutien aux entrepreneurs congolais. Au fil des années, la banque a connu une croissance significative et a étendu son réseau à travers le pays, avec des agences dans plusieurs provinces congolaises. Aujourd’hui nous servons plus de 500.000 clients à travers le pays.

Quels sont les points saillants du bilan de Rawbank au 30 decembre 2022 ? Quelle est votre part de marché ?

Nous présentons un bilan solide en progression à tous les niveaux. En 2022, les équipes se sont particulièrement distinguées par leur dynamisme commercial. Nous avons augmenté notre base de clients de 7% et le volume de crédits octroyés de 39%. Ces indicateurs témoignent de nos atouts. Nous convainquons chaque année plus d’individus et d’entreprises à nous faire confiance et cette conquête commerciale ne restreint pas, bien au contraire, notre capacité de crédit. La gestion d’une banque, notamment dans un contexte aussi particulier que la République Démocratique du Congo, requiert une exigence constante en matière de gestion du risque et de conformité.

Dans ces domaines, nous nous sommes dotés ces dernières années des meilleurs, que ce soit en termes d’outils ou de collaborateurs. Ces investissements nous permettent de présenter des ratios prudentiels en constante amélioration et de nous positionner comme la banque de référence notamment en matière de conformité. Enfin, le total bilan de Rawbank se fixe à 4,14 milliards de dollars, ce qui nous permet de maintenir notre position de leader sur un marché de plus en plus concurrentiel. Nos parts de marché se fixent à 30% et nous sommes confiants en notre capacité à maintenir cette position.

La RDC est avant tout un pays minier. Que représente ce secteur dans votre bilan ?

C’est une fierté de pouvoir affirmer que nous sommes la première banque congolaise partenaire du secteur minier en RDC. En effet, 95% des entreprises de l’industrie minière travaillent avec nous et nous avons octroyé plusieurs milliards de dollars de crédit à ces entreprises ces dernières années, dont 820 millions en 2022. Rawbank a pu répondre aux besoins de financement extrêmement importants de ces acteurs. Le secteur minier est un maillon essentiel pour l’économie du pays et notre première ambition est de contribuer à la prospérité de la RDC. 

Les cours des matières premières sont à la hausse et tout le monde sait que les richesses des sols congolais sont très loin d’avoir été ne serait-ce que découvertes. Le pays est notamment le premier producteur mondial de cobalt, le premier producteur africain de cuivre et nul n’ignore que les métaux stratégiques font l’objet de l’intérêt d’acteurs du monde entier. Nous anticipons des investissements croissants pour les prochaines années et mettons différents mécanismes en œuvre pour pouvoir continuer à répondre présents. La salle de marché aux standards internationaux que nous avons ouverte l’an dernier sera un outil de financement indispensable.

L’accès au crédit reste un challenge pour les jeunes et les femmes. Quelle est votre approche vis-à-vis de cette catégorie ?

Chez Rawbank, nous croyons fermement en l’inclusion financière et en la promotion de l’égalité des chances. Pour répondre spécifiquement aux besoins des jeunes et des femmes, nous avons mis en place une approche globale et proactive, basée sur les principes de responsabilité sociale et d’impact positif. Pour permettre un meilleur accès aux financements à destination des femmes, nous avons lancé le programme Lady’s First qui encourage l’entrepreneuriat au féminin depuis treize ans.

Avec ce programme illustré par les 1 500 membres actives du réseau, nous renforçons les capacités des entrepreneures, en facilitant leur accès aux financements à des taux préférentiels ou encore en accroissant leurs capacités managériales. Par ailleurs, le programme aide les femmes entrepreneures à sortir de l’économie informelle, comme cela a été le cas pour une association de 150 couturières de Kinshasa. Toujours en 2022, Rawbank a lancé le Ladies Act, en partenariat avec la Kinshasa digital Academy, pour apporter des formations digitales aux jeunes entrepreneures.

Pendant 12 mois de formation, elles multiplient les rencontres avec les Lady’s First qui les invitent à réaliser leur stage au sein de leurs entreprises, notamment avec l’objectif de pouvoir répondre à leurs besoins en matière de transformation digitale. Par ailleurs, nous accompagnons également l’avenir de la jeunesse Congolaise au travers le programme «Jeunes Universitaires» qui promeut la formation des jeunes talents Congolais ou encore le programme Academia qui a été pensé pour encourager la bancarisation des jeunes.

A titre d’exemple, les 13 – 25 ans peuvent ouvrir un compte courant et un compte épargne. Ils disposent également de la carte VISA Academia, sans frais de retrait aux ATM et qui offre la possibilité de réaliser des achats en ligne. A ce jour, près de 13 000 jeunes Congolais, âgés en moyenne de 24 ans, ont utilisé en 2022 les services d’Academia, dont 7 000 jeunes femmes. Dans le même ordre d’idées, nous proposons des facilités de crédit afin de soutenir l’autonomie de la jeunesse, c’est le cas du crédit étude que nous avons conçu pour accompagner les jeunes dans le financement de leurs études.

Comment la Rawbank fait-elle face aux fluctuations entre le dollar et le Franc Congolais ?

Tout d’abord, il faut savoir que depuis plusieurs années, la République Démocratique du Congo s’oriente dans un processus sur le long terme de revalorisation de sa monnaie nationale et, par la même occasion, de dédollarisation des circuits économiques. Aujourd’hui la clientèle exprime une forte préférence pour la devise étrangère au détriment de la monnaie nationale. C’est un fait incontestable : à la fin de 2021, les prêts en devises représentaient 96 % de l’encours du crédit du pays, et les dépôts en devises 85 % du total des dépôts.

Cependant, si la RDC continue à améliorer sa performance, que ce soit en matière de stabilité du taux de change ou d’inflation, nous pouvons espérer que la confiance des populations et des entreprises en la monnaie nationale s’améliore. Dans ce contexte, Rawbank maintient une position financière solide et diversifiée en termes de devises. Nous nous efforçons de maintenir un équilibre prudent entre nos actifs et passifs libellés en dollars américains et en francs congolais. Cette approche nous permet de minimiser les risques liés aux fluctuations des taux de change et de préserver la solidité de notre bilan. En outre, nous sommes en mesure de proposer à nos clients une gamme de produits et services adaptés pour répondre à leurs besoins de change.

Vous êtes leader au Congo. Quid de l’expansion régionale et continentale ?

Nous comprenons que notre positionnement exclusivement congolais interroge. Je tiens à rappeler que la RDC est un immense pays, sur tous les plans. Avec un taux de bancarisation de la population qui se fixe à peine à 6%, il serait inconscient de se dire que les chantiers qu’il reste à mener ne nécessitent pas une mobilisation complète des acteurs bancaires locaux. En tout cas, c’est ce que nous croyons. Bien entendu, nous surveillons avec attention ce qu’il se passe sur d’autres marchés africains et si une opportunité qui réponde à la fois à nos ambitions et à notre ADN se présente, nous nous positionnerons.

financialafrik

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