Soudan : combats entre armée et paramilitaires, ouverture de couloirs humanitaires

Au moins 59 civils, dont trois humanitaires, sont morts dans les combats en cours au Soudan, notamment à Khartoum, où les tensions entre les paramilitaires et l’armée ont dégénéré en affrontements, raids aériens et menaces par médias interposés. Des tirs et des explosions ont été entendus dans la capitale dimanche. Les deux camps ont néanmoins annoncé l’ouverture de couloirs humanitaires.

Les affrontements se poursuivent au Soudan. Pour la deuxième journée consécutive, des combats opposent, dimanche 16 avril, l’armée soudanaise et une puissante force paramilitaire, sur fond de lutte de pouvoir entre les deux généraux aux commandes depuis le putsch de 2021. Le bilan des affrontements est d’au moins 59 morts dont trois humanitaires.

En outre, des « dizaines » de combattants ont été fauchés par les balles, roquettes et autres projectiles tirés depuis des chars ou des avions depuis samedi matin, rapporte un réseau de médecins prodémocratie, qui recense plus de 600 blessés.

Combats de rue et blindés en travers des routes empêchent tout déplacement dans la capitale Khartoum, où déambulent des hommes armés en treillis croisant de rares civils, portant quelques affaires, à la recherche d’un abri.

Partout, des colonnes de fumée s’élèvent depuis samedi du centre-ville où se trouvent les principales institutions de l’État. « C’est très inquiétant, on dirait que ça ne va pas se calmer rapidement », s’inquiète Ahmed Seif qui vit avec sa femme et leurs trois enfants dans l’est de Khartoum. Il redoute que son immeuble ait été touché par des tirs, comme beaucoup d’autres, mais dit avoir « peur de sortir vérifier », par crainte des balles perdues et des hommes en treillis qui quadrillent les rues.

Dans la capitale soudanaise, la nuit a été longue. « Les explosions et les tirs n’ont pas cessé », raconte à l’AFP Ahmed Hamid, dans la banlieue nord de Khartoum.

Selon des témoins, des combats à l’arme lourde opposent, dans la banlieue nord de Khartoum ainsi que dans le sud de la capitale, l’armée aux Forces de soutien rapide (FSR, composées de milliers d’ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs officiels des troupes régulières).

Des témoins ont également fait état de tirs d’artillerie à Kassala, dans l’est côtier du pays.

Trois humanitaires tués
Par ailleurs, trois humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués dans les combats au Soudan, a annoncé, dimanche, l’émissaire de l’ONU dans le pays. Ils ont perdu la vie « samedi en accomplissant leur travail au Darfour-Nord », dans l’ouest près du Tchad, précise dans un communiqué Volker Perthes.

Cette annonce a été relayée sur Twitter par le PAM au Soudan. Le PAM a, dans la foulée, annoncé suspendre ses opérations dans le pays.

Les responsables de la mort de ces trois humanitaires doivent être « traduits en justice au plus tôt », a réclamé dimanche le porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

Ce dernier « condamne fermement » la mort de civils, dont celle de ces trois humanitaires, a ajouté son porte-parole Stéphane Dujarric dans un communiqué. « Les locaux des Nations unies et d’autres organisations humanitaires ont également été touchés par des projectiles et pillés dans plusieurs endroits du Darfour », a-t-il regretté.

L’armée et les paramilitaires qui s’affrontent depuis samedi au Soudan ont annoncé ouvrir dimanche à 14 h 00 GMT des « couloirs humanitaires » pour évacuer les blessés « pendant trois heures », se gardant des deux côtés un « droit de riposte en cas de violation » de l’accord.

Conflit entre deux généraux
Le conflit couvait depuis des semaines, empêchant tout règlement politique dans un pays qui tente depuis la révolte populaire qui renversa Omar el-Béchir en 2019 d’organiser ses premières élections libres après 30 ans de dictature.

Lors du putsch ayant mis fin en octobre 2021 à la transition démocratique, le chef de l’armée Abdel Fattah al-Burhane et le patron des FSR, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », étaient apparus ensemble, faisant front commun pour évincer les civils du pouvoir.

Mais la rivalité entre les deux généraux, latente depuis des semaines, a explosé à Khartoum, qui s’est réveillée, samedi, au son des explosions et des combats. Fusils, artillerie et avions de combat ont été utilisés dans la capitale et plusieurs villes de ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus pauvres au monde et déchiré par des décennies de guerre.

La communauté internationale multiplie les appels au cessez-le-feu. Le dernier en date est venu de Pékin alors que le pape François invitait à « prier pour que les armes soient abandonnées ». La Ligue arabe et l’Union africaine, où siègent de grands parrains de la politique soudanaise, devaient se réunir en urgence.

Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, va se rendre « immédiatement » au Soudan « pour engager les parties vers un cessez-le-feu », a annoncé l’organisation panafricaine. Exprimant sa « profonde inquiétude » sur la situation, l’UA a également appelé les forces des deux généraux aux commandes du Soudan à « protéger les civils », dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion d’urgence du Conseil de paix et sécurité de l’organisation dimanche après-midi.

Difficile de dire qui tient quoi
Impossible en l’état de savoir quelle force tient quoi. Les FSR ont annoncé avoir pris l’aéroport en quelques heures samedi mais l’armée a démenti. Les FSR ont également dit tenir le palais présidentiel. L’armée a démenti également et assure surtout tenir le QG de son état-major, l’un des principaux complexes du pouvoir à Khartoum.

Quant à la télévision, les deux parties assurent aussi l’avoir prise. Aux alentours, des habitants font état de combats continus alors qu’à l’antenne – comme lors du putsch – seuls des chants patriotiques sont diffusés sans aucun commentaire.

Car la guerre ouverte entre les généraux est aussi médiatique : samedi, Hemedti a enchaîné les interviews aux chaînes de télévisions du Golfe, dont plusieurs États sont ses grands alliés, multipliant les injures contre son rival, le général Burhane, qui, lui, n’est pas apparu jusqu’ici.

Hemedti n’a cessé de réclamer le départ de « Burhane le criminel », alors que l’armée, elle, publiait sur son compte Facebook un « avis de recherche » contre Hemedti, « criminel en fuite ».

Les deux hommes, toutefois, ont répondu au téléphone quand le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé pour réclamer « un arrêt immédiat de la violence ». Il a également exhorté le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, grand voisin influent, à agir alors que depuis samedi Le Caire s’inquiète d’une vidéo montrant plusieurs de ses soldats apparemment aux mains d’hommes des FSR.

AFP

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